Jacques-André Haury Jacques-André Haury - médecin et député
Jacques-André Haury
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  RÉFLEXIONS

Un canton trop attractif?

Paru dans 24 Heures le 3 oct. 2008

C’est devenu un nouveau dogme du discours politique: «Il faut augmenter l’attractivité du canton de Vaud. » Promotion économique, modification de la fiscalité, développement culturel: toute action de l’Etat de Vaud semble n’être plus soumise qu’à ce seul critère: l’attractivité.

Il faut admettre que, si l’on se reporte à la situation vaudoise du début des années nonante, une part du redressement de notre canton et de son rayonnement retrouvé est imputable à ceux que nous avons «attirés» chez nous: des entreprises internationales, des travailleurs, des contribuables aisés, des touristes, des étudiants ou des chercheurs.

Mais le bilan de cette attractivité a son revers. Les axes de circulation sont saturés; les logements deviennent introuvables ou hors de prix; les files d’attente s’allongent dans nos hôpitaux; nos écoles épuisent à «intégrer» les forces qui devraient être consacrées à enseigner. Jusqu’aux questions de sécurité: si nos forces de police sont surchargées, c’est bien aussi un effet de l’attractivité de notre région.

Il est temps d’allumer un signal d’alarme. Non, l’attractivité du canton n’est pas seulement un bien. Pour les habitants de notre région, cette attractivité cesse d’être une promesse pour devenir une menace. L’attractivité, c’est à la fois un enrichissement et une pénurie. On voudrait que l’«organe de prospective», dont notre nouvelle Constitution a doté le canton, ose le dire et tempérer la dévotion du gouvernement au culte de l’«attractivité».

Les statisticiens prévoient que la population vaudoise va s’accroître de 80 000 à 100 000 habitants supplémentaires d’ici à 2020. Comme une fatalité, comme un phénomène sur lequel le pouvoir politique n’aurait aucune prise. Dans l’immédiat, la sagesse voudrait que notre gouvernement se soucie moins d’augmenter l’attractivité du canton que de gérer les problèmes que celle-ci lui pose. Assurer les transports pour les entreprises et les habitants déjà présents; gérer l’offre en matière de formation, de santé, de sécurité. Mais surtout ne pas accélérer la spirale des pénuries programmées en encourageant sur l’arc lémanique le développement de nouvelles activités économiques ou culturelles de prestige.

Il ne faut pas confondre un Etat avec une entreprise: une entreprise doit croître et se développer pour survivre, jusqu’au jour où elle disparaît pour faire place à une autre; un Etat, contenu dans ses frontières, doit rechercher l’équilibre. En période d’euphorie économique, à défaut de freiner l’attractivité, le gouvernement devrait au moins ne pas chercher à l’accroître.

L’actualité fait que le Conseil d’Etat se trouve engagé simultanément dans deux combats hautement symboliques. D’une part, il met une énergie exceptionnelle à convaincre les Vaudoises et les Vaudois d’accepter son projet de musée à Bellerive. De l’autre, il doit gérer le découragement des forces de police qui ne parviennent plus à remplir leur mission avec les moyens qui leur sont accordés. D’un côté l’attractivité, de l’autre les effets négatifs de cette attractivité. Le dogme s’en trouve un peu écorné.

L'invité Jacques-André Haury




 

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