Jacques-André Haury Jacques-André Haury - médecin et député
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  PROJETS PÉDAGOGIQUES

Les cobayes sont mieux protégés que nos enfants

Paru dans 24 Heures le 20 mai 2003

L’établissement scolaire d’Oron a donc décidé, avec la bénédiction du Département de la Formation et de la Jeunesse, de se lancer dans une expérience pédagogique qui n’est pas anodine : regrouper dans la même classe les élèves des trois voies secondaires VSO, VSG et VSB . Les parents n’aiment pas que leurs enfants servent de « cobayes » . Risquons donc une comparaison entre les expérimentations pédagogiques et les expérimentations animales.

Celui qui entend entreprendre une expérience sur des animaux – il doit avoir suivi une formation universitaire – commence par remplir un questionnaire de quatre pages. Ce questionnaire est soumis à une commission cantonale formée de neuf membres , dont trois représentants des milieux de protection des animaux et un juriste. Dans l’expérience d’Oron, on notera que les parents n’ont pas été consultés et qu’il a fallu une intervention du Grand Conseil pour que la question de la légalité soit étudiée.

L’expérimentateur sur animaux doit justifier son expérience en répondant à huit questions. Parmi celles-ci, les deux premières méritent d’être citées in extenso :

  • Connaissance fondamentale recherchée ; état de la recherche ; argumentation prouvant l’insuffisance des connaissances ?
  • Quelles autres méthodes d’expériences sont connues (p. ex. selon la littérature) qui permettent d’obtenir des informations correspondantes (indiquer les méthodes in vitro ou in vivo) ?

En clair, l’expérimentateur sur animaux doit prouver que les autres recherches effectuées avant lui n’ont pas fourni les connaissances qu’il cherche à obtenir.
L’expérience pédagogique d’Oron s’apparente à l’ « école globale », démarche à visée politique qui veut éviter toute sélection scolaire. De nombreux pays ont tenté cette expérience. En Allemagne, par exemple, on parle de
« Gesamtschule », en France de « collège unique ». A Genève, au printemps 2001, les citoyens ont refusé la généralisation d’une expérience allant dans ce sens. Le moins que l’on puisse dire est que, dans ce domaine, tout a été tenté. Le directeur d’Oron aurait de la peine à justifier son projet par l’insuffisance des connaissances existantes. Mais on ne le lui a pas demandé : cette notion est tout simplement absente de l’article du règlement scolaire qui traite des « projets pédagogiques ».

Parlons du sort des animaux eux-mêmes. Le questionnaire cité demande « l’évaluation de l’importance du gain de connaissances ou du résultat attendu par rapport aux douleurs, souffrances, dommages ou anxiétés imposées aux animaux ». Les enfants ? Ils ne sont même pas évoqués dans l’article réglementaire sur les « Projets pédagogiques ». Autant dire que les « dommages ou anxiétés imposées » à nos enfants ne sont guère pris en compte par les expérimentateurs scolaires, d’Oron ou d’ailleurs !

La comparaison peut s’arrêter là. Elle trouve sont apothéose dans les déclarations de M. Daniel Christen, directeur général de l’enseignement obligatoire, rapportées dans ces colonnes  : le DFJ a estimé qu’il ne devait pas brider l’enthousiasme d’un établissement qui a pris une initiative et qui entend tester une nouvelle organisation dans le terrain ! Lorsqu’il s’agit d’expérimentation animale, est-ce que la commission qui refuse une autorisation s’inquiète de « brider l’enthousiasme »  du chercheur ?

Depuis que des pédagogistes ont décidé de réformer l’école publique, ils ne cessent d’étayer leurs décisions par des arguments de type scientifique. « Cessez de nous importuner, disent-ils aux sceptiques ; nos innovations sont désormais fondées sur les travaux scientifiques de chercheurs compétents. La pédagogie est devenue une science, comme la médecine. Respectez les pédagogues comme eux-mêmes respectent les médecins ! »

Quand on prend la peine de s’intéresser aux conditions « scientifiques » dans lesquelles s’est préparée l’expérience d’Oron, on peut bien, c’est vrai, lui trouver une ressemblance avec la médecine. Mais pas avec celle d’aujourd’hui : avec celle du 19e siècle, époque où le malade n’avait pas grand’chose à dire et pas grand’chose à perdre.

Quant aux parents qui craignent que leurs enfants ne soient traités comme des cobayes, on doit hélas leur répondre: si seulement…




 

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