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L'INVITÉ
La cohésion sociale passe par l'impôt … pour tousParu dans 24 Heures le 8 janv. 2005 Ma mère, à qui je suis redevable de mon éducation protestante, observait que ceux qui se plaignent de payer trop d'impôts sont des gens qui n'ont pas à se plaindre. C'est dans cet esprit que, chaque mois, je verse au fisc mes «tranches» sans oser protester. De ces belles dispositions personnelles, quel enseignement le député doit-il tirer lorsqu' il lui appartient de choisir la tasse fiscale qu' il va faire boire à ses concitoyens ? Car la fiscalité, chez nous, est lourde. Entre 1996 et 2003, les recettes fiscales de l'E tat de Vaud ont augmenté de 2 5%, alors que l'indice des prix à la consommation ne progressait que de 6, 1%. Ceux qui s' opposent à tout alourdissement de la fiscalité ont donc raison de rappeler que la situation financière vaudoise provient d'un excès de dépenses. Les économistes relèvent en outre que la société ne retrouve sa prospérité qu' au moment où la croissance économique est plus forte que celle de la fiscalité. L'assainissement de nos finances publiques doit donc porter sur une diminution des charges, et non pas sur un accroissement des impôts. Mais le député a aussi le souci de la cohésion sociale, cette valeur fondamentale qui permet notre vie en commun, valeur fragile, menacée chaque jour. Lorsque l'Etat choisit de réduire ses dépenses, ce n'est jamais indolore. Chaque franc dépensé, sous forme de salaire ou de subvention, finit toujours par atteindre un bénéficiaire. Et chaque franc économisé fait une victime. Les diverses réactions suscitées par les mesures d'économies figurant au budget 2005 montrent à quel point, rapidement, la diminution des dépenses publiques finit par toucher chacun, à un titre ou à un autre. Dans ce contexte, une très légère augmentation de certains prélèvements fiscaux apparaît comme un geste de conciliation destiné à rendre les économies supportables. Et même si la logique économique n'y trouve pas son compte, je suis de ceux qui affirment que la cohésion sociale est à ce prix: ne pas combattre les mesures fiscales acceptées par le Grand Conseil. Mais je vois à la cohésion sociale une autre menace: celle que constituent les 20 % de contribuables vaudois qui ne paient pas un sou d'impôt direct. De ce fait, une catégorie importante de notre population s' accoutume à l'idée que ceux qui sont là pour payer, ce sont les autres. En ville de Lausanne, cette proportion dépasse 30 %. Ils sont 25% dans le canton de Genève, mais seulement 12 % dans celui de Fribourg. Bien sûr, dit-on, si ceux qui ne paient pas d'impôt étaient moins pauvres, ils seraient heureux d'en payer, sans se plaindre. Je ne le conteste pas, et je ne demande pas qu' ils soient écrasés par la fiscalité. Mais qu' au moins ils soient redevables de montants symboliques, leur rappelant qu' ils sont eux aussi solidaires de la communauté vaudoise. Une maîtresse d'école tentait récemment de convaincre un élève de relever les stores de la classe plutôt que d'allumer la lumière électrique. « Parce que l'électricité, c'est cher, et ce sont vos parents qui la paient par leurs impôts !» Réponse de l'élève: « Nous, on s' en f ., on n'en paie pas !» On peut bien imaginer quel peut être, lors des votations ou des élections, le choix de citoyens qui considèrent qu' ils n'auront pas à en assumer les conséquences financières. Notre dette de 9 milliards nous coûte chaque année 250 millions en intérêts bancaires. Mais pourquoi vouloir réduire cette dette, lorsqu' on est de ceux à qui elle ne coûte rien ? La cohésion sociale suppose que les plus forts aident les plus faibles, que les plus riches fassent, pour la collectivité, un effort à leur mesure. Mais les plus faibles ont aussi un effort fiscal à faire, ne serait-ce que 100 francs par an. Pour signifier qu' ils sont membres à part entière de la société. On démontrerait d'ailleurs aisément que l'intégration sociale se construit sur le « devoir de » plutôt que sur le «droit à». |
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