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IDENTIFIONS LA CULTURE DE L'EXCUSE (SUITE)
Besoin, besoin : tout est besoin !
Paru dans Forum Libéral le 1 sept. 1998
Nous choisissons la responsabilité : identifions la culture contraire : celle de l'excuse. Dans notre dernière édition (Cf. Forum de mai 98) nous avons mis le doigt sur certaines caractéristiques de la culture de l'excuse dans laquelle nous baigne l'intellectualisme de gauche : tout est maladie, tous sont victimes, tout est dans les gènes, toute difficulté est injuste, la faute est toujours aux autres. La notion universelle de "besoin" en constitue une autre caractéristique.
Confondre le besoin et le désir. L'homme, dans son animalité, connaît un certain nombre de besoins. Respirer, se nourrir, se vêtir, se protéger du froid sont des besoins. Ceux qu'on qualifie de "petits" font eux aussi partie intégrante de la vie biologique. A ses besoins, l'homo sapiens a ajouté des désirs, rendent sa vie plus agréable, plus intéressante, plus digne d'être vécue.
Mais chacun sait qu'il peut survivre sans satisfaire tous ses désirs, alors qu'il peut s'accommoder de voir ses désirs insatisfaits. Mais notre culture tend à confondre les uns et les autres. Jusqu'au Grand Robert, qui donne la définition suivante : "Besoin : exigence née de la nature ou de la vie sociale" (2e éd., Paris, 1987). Nous considérons que ce glissement a des conséquences politiques fondamentales qu'il importe d'identifier.
Quelques exemples de "besoins" La démarche intellectuelle est simple, pour ne pas dire simpliste. On observe le comportement des gens et on définit comme "besoin" les habitudes d'un plus ou moins grand nombre d'entre eux. Beaucoup de nos contemporains disposent d'un logement offrant une pièce par personne. Conclusion : un appartement de quatre pièces est un "besoin" pour des parents et leurs deux enfants. Des milliers de gens vont passer leurs vacances aux Caraïbes; conclusion : un séjour annuel dans les mers chaudes est devenu un "besoin" de nos contemporains.
De nombreux rollers dévalent nos rues en zigzaguant entre des piétons épouvantés : c'est donc "qu'un besoin existe chez les jeunes". Et lorsqu'un sondage de la TV romande montre que de nombreux téléspectateurs désirent des émissions locales, le directeur déclare que la délocalisation "correspond à un besoin". Le marketing consiste d'ailleurs, en bonne partie, à faire croire au consommateur que ses désirs plus ou moins inconscients sont, en fait, de véritables besoins, qu'il doit satisfaire absolument.
Des besoins qu'il faut satisfaire C'est là que la confusion a des conséquences politiques. Tant qu'il ne s'agit que d'un désir, il est souhaitable de la satisfaire, mais pas indispensable. Dans le domaine du besoin, en revanche, le choix n'existe plus : il doit absolument être satisfait.
Lorsque l'homme politique identifie un besoin, il n'a plus qu'une chose à faire : offrir à tous sa réalisation. A des électeurs qui désirent, on peut toujours répondre : pas d'argent, pas maintenant, pas possible. Mais lorsqu'il s'agit de besoins... Quel est le magistrat, quel est le parlementaire qui oserait "chipoter" ? Nouvelle structure, nouveaux équipements, personnel supplémentaire, crédit urgent : rien n'oserait freiner la machine politique engagée dans la "satisfaction d'un besoin". Et voilà que le besoin sert d'excuse à l'absence de réflexion politique.
Dans le besoin, pas de liberté Lorsqu'un individu satisfait un désir, il fait un choix. Il fait un acte de liberté dont, le cas échéant, il aura à répondre. C'est le vieux couple liberté-responsabilité. Mais, face au besoin, il n'y a pas de choix. La satisfaction est nécessaire et, le cas échéant, on utilisera le besoin comme excuse. La toxicomanie illustre bien cette distinction. Lorsque l'individu ressent le désir de boire, de fumer ou de s'injecter de l'héroïne, il peut être condamné pour conduite en état d'ivresse ou usage illicite de stupéfiant. Mais lorsque la drogue est devenue un besoin, il ne reste plus d'autre solution que de lui distribuer le poison vital.
Un choix politique "Dis Papa, c'est quoi la différence entre la gauche et la droite ?" A cette question éternelle de ceux qui veulent s'initier à la vie politique, la distinction entre désir et besoin sert d'éclairage essentiel. A gauche, l'homme incapable de gérer sa liberté est constamment écrasé de besoins que les pouvoirs publics doivent satisfaire. A défaut de quoi, l'individu victime des autres et de leur incompréhension aura droit à toutes les excuses et toutes les réparations.
A droite, l'homme libre choisit de satisfaire les désirs qu'il a à coeur. Il accepte d'en faire l'effort et d'en payer le prix, ou il y renonce; non sans douleur, certes, mais sans en accuser les autres.
Le besoin : terme à manipuler avec discernement !
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