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MÉDECINE
Invalides psychiques en augmentation: à qui la faute ?Paru dans 24 Heures le 24 mai 2004 Dans notre pays, le nombre des personnes prises en charge par l'assurance invalidité pour motif psychiatrique est en forte augmentation. Les penseurs de gauche nous distillent une explication simpliste: c'est la faute aux conditions économiques devenues trop difficiles pour une partie de nos concitoyens. Haro sur l'économie de marché, sur le système capitaliste, sur le libéralisme ! les cibles habituelles de ces combats idéologiques poussiéreux. Essayons d'analyser les choses avec un peu plus de nuances. Il est évident que la possibilité de trouver l'emploi de son choix à l'endroit souhaité est plus faible aujourd'hui qu'il y a une génération. C'est le propre des cycles économiques. Prenons la génération d'avant: mon père, jeune ingénieur à la recherche d'un emploi, avait faim ! Un des succès de notre système économique, c'est bien de parvenir à nourrir et à loger même ceux qui ne trouvent pas d'emploi ! Et parlons du stress: mon grand-père, charron à la place du Tunnel, à Lausanne, était certainement moins stressé. Mais il a travaillé quarante ans, six jours par semaine, sans prendre de vacances. Une récente enquête sur l'opinion des Suisses au sujet de leur travail relativise cette image d'enfer que la gauche tente de dessiner: 90% des personnes interrogées aiment leur travail ! A l'évidence, si les conditions de travail contribuent à développer certaines invalidités psychiques, en attribuer la faute uniquement au système économique est une aberration. Une autre cause est à trouver dans la structure psychique d'une partie de nos concitoyens, et notamment des jeunes: l'incapacité de supporter les contraintes ou les frustrations. Un enfant auquel on n'a jamais dit non ne sera pas capable de supporter les contraintes de la vie adulte, quelle qu'elle soit. Un élève qu'on a voulu protéger de l'échec même lorsque ses résultats sont insuffisants sera écrasé par son premier échec professionnel. Face aux succès sportifs, notre société ose encore admirer l'effort. Ailleurs, elle cherche à le contourner ou à le tourner en dérision. Et pourtant, l'effort est naturel et contribue à l'équilibre de la personnalité. Et parlons de la psychiatrie ellemême, qui suit la même évolution que le reste de la médecine. Elle devient toujours plus exigeante dans sa définition de la santé, ce qui augmente d'autant le nombre des situations pathologiques. Prenez l'exemple simple de l'hypertension: d'année en année, la valeur admise pour une tension artérielle normale est abaissée. Il y a vingt ans, on admettait 160 mmHg pour une personne de 60 ans ; aujourd'hui, c'est 140, voire 120. Cela augmente d'autant le nombre des hypertendus — donc des malades à traiter. La psychiatrie suit la même évolution. Lorsque l'Organisation mondiale de la santé, il y a une trentaine d'années, a défini la santé comme un « état de bien-être physique, psychique et social », elle a contribué à étendre la notion de maladie. Et par conséquent celle d'invalidité. Dans ce sens, l'accroissement du nombre des personnes prises en charge par l'assurance invalidité mesure le progrès d'un système social. Mais comment rendre notre économie assez forte pour financer ce développement social ? Voilà la question qui devrait occuper les penseurs d'une gauche moderne. Jacques-André Haury, Médecin et député |
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