Pourquoi redouter les chrétiens joyeux ?

Paru dans Le Temps le 25 fév. 2025

Pourquoi redouter les chrétiens joyeux ?

Jacques-André Haury revient sur les récentes accusations de radicalisation portées contre la Haute Ecole de théologie protestante de Saint-Légier (HET-PRO). Le député vert’libéral y voit une forme d’intolérance face à la diversité protestante

Le Temps s’en est fait l’écho : un ancien professeur de théologie a publié un manifeste accusant la Haute école de théologie protestante de Saint-Légier VD (HET-Pro) de radicalisation*. Son travail, partiellement scientifique, se fonde sur un certain nombre de citations tirées du site de cette école, sans toutefois que l’auteur ait pris la peine de se rendre sur place et d’entendre l’enseignement scientifique qui y est réellement dispensé. Il a cependant l’honnêteté de signaler que son texte a d’abord été refusé par deux revues, qui le jugeaient trop polémique.

L’article nous plonge au cœur de la diversité protestante. La devise « Sola sciptura » (« par l’Ecriture seule ») constitue le principe protestant commun affirmant que la Bible est la seule autorité à laquelle le chrétien doit se soumettre. Mais, à partir cette affirmation commune, se déploie un large éventail allant des fondamentalistes, qui prennent le texte à la lettre, aux libéraux les plus extrêmes, qui n’y trouvent que des symboles, allant jusqu’à mettre en doute la résurrection du Christ.

L’histoire du protestantisme est constamment animée par ces tendances diverses, sources de disputes internes, qui probablement en font la force, là où la hiérarchie fait la force du catholicisme. Au 19e siècle, les mouvements du Réveil se sont opposés à un protestantisme jugé ronronnant et manquant d’enthousiasme, auquel on adhérait par tradition, sinon par habitude. Ils lui préféraient des communautés « confessantes », auxquelles le croyant adhérait par une affirmation de sa foi. L’Eglise libre, fondée sur l’héritage de Vinet en 1847, a contribué au dynamisme spirituel et social du Canton de Vaud. Plus fondamentaliste, le mouvement inspiré par l’Anglais Darby a constitué, lui aussi, une société chrétienne enrichissante pour la communauté vaudoise. Ce sont deux « églises » parmi d’autres, qui se trouvaient en conflit plus ou moins ouvert avec l’officialité de l’Eglise nationale.

Qu’un ancien professeur de la Faculté de théologie et des sciences des religions de l’Université de Lausanne (FTSR), appartenant au courant libéral, s’attaque tout en la caricaturant à une école, certes confessante, mais scientifique, tout en l’assimilant sans nuances à la mouvance « évangélique », ne constitue donc qu’un épisode de plus dans ces disputes entre protestants, lesquelles permettent d’animer d’interminables séminaires et colloques sur la recherche de la Vérité. Et cette attaque se comprend d’autant mieux que la FTSR voit fondre le nombre de ses étudiants alors que la HET-Pro le voit progresser.

Le texte du professeur surprend lorsqu’il juge opportun d’établir une analogie entre la HET-Pro et les Salafistes… Au point de se demander si son propos, au-delà de cette école, ne vise pas l’ensemble des milieux évangéliques vaudois pour empêcher leur reconnaissance d’intérêt public.

Plaçons-nous du côté des fidèles, c’est-à-dire de celles et ceux qui recherchent, dans un service religieux, dans une prédication, dans une communauté, un message d’espérance. Qui attendent de leur ministre qu’il annonce l’Evangile avec joie et fierté ! Je l’avoue sans ambages : je n’ai personnellement pas beaucoup d’affinité avec certains messages simplistes, ni avec certains chants « bétifiants » sur une musique qui se croit moderne. Mais je suis touché par la ferveur, je suis touché par l’enthousiasme, alors que certaines dissertations psychosociales, suant le politiquement correct, me découragent.

Et je me demande, au fond, si, derrière les réflexions du professeur honoraire, ne transparaît pas simplement une intolérance à l’endroit de frères et sœurs réformés qui choisissent de vivre leur foi dans la joie et l’espérance.