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  L'INVITÉ

Devenu dément, qu’on me laisse mourir!

Paru dans 24 Heures le 2 oct. 2024

Devenu dément, qu’on me laisse mourir!

L’idée de finir sa vie dans un EMS terrifie certains et alimente le débat. Le regard de notre invité, médecin et élu politique.

Jamais personne n’a exprimé le souhait de terminer sa vie dans la démence. Évoquant un proche parvenu à cet état de déchéance, nous disons tous: «Pourvu que je n’en arrive pas là et que je meure avant!»

Pour ma part, je le dis publiquement: lorsque je sombrerai dans la démence, qu’on me laisse mourir! C’est-à-dire qu’on ne m’alimente pas de force, qu’on ne m’hydrate pas de force, qu’on ne m’impose aucun médicament: tout au plus, qu’on m’administre des calmants si je manifeste des signes de souffrance! Et je suis prêt à parier que l’immense majorité de notre population partage ce souhait pour soi-même et pour ses proches.

Et pourtant, nos EMS sont surchargés de patients déments que notre système de soins maintient en vie. Des patients qui, lorsqu’ils étaient encore en pleine possession de leurs moyens, redoutaient par-dessus tout de finir leur vie dans cet état végétatif et d’en imposer le triste spectacle à leurs proches.

À qui la faute?

Certainement pas à l’État et aux pouvoirs publics. Le pire serait de chercher à préciser dans la loi les soins qu’il faut donner ou ne pas donner dans telle ou telle situation.

En partie au personnel soignant, tant médical qu’infirmier. Laisser mourir un patient dont on pourrait prolonger les jours par un traitement simple est une décision difficile, qui doit souvent être prise dans l’urgence et en pleine nuit. Il est beaucoup plus facile d’effectuer un geste ou une prescription qui assure la survie, et de reporter à plus tard une décision plus courageuse mais irréversible. À ceux qui pensent que l’éthique médicale impose toujours le choix de faire vivre, on doit pourtant rappeler que le serment d’Hippocrate ordonne de soulager, non de prolonger!

Directives anticipées

Mais c’est surtout à nous, futurs patients, d’anticiper lorsque nous sommes encore en pleine possession de nos moyens. En parler à notre entourage, et recourir aux moyens légaux à disposition: rédiger des «directives anticipées» et désigner un «représentant thérapeutique» qui aura pour mission, le moment venu, de faire respecter ces directives. Et respecter ces directives consiste souvent à renoncer à des soins très simples, devenus presque une routine pour les soignants. Nombreux sont malheureusement les témoignages de prises en charge, surtout en situation d’urgence, qui sont contraires à des directives anticipées qu’on n’a pas recherchées ou pas trouvées.

On ne peut pas continuer, d’un côté, à dénoncer le manque de lits et le manque de soignants dans les EMS (voir «24 heures» du 16 septembre: «EMS vaudois: enquête sur un secteur à bout de souffle») et, d’un autre, à faire survivre, parfois pendant des années, des patients qui, s’ils pouvaient encore l’exprimer, ne demanderaient qu’à mourir.




 

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