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Il est temps que les médecins apprennent à compter

Paru dans 24 Heures le 3 oct. 2023

Il est temps que les médecins apprennent à compter

La Suisse réfléchit à la manière de freiner la hausse des coûts de la santé. La question de la formation des médecins est une piste à explorer.

Le vieillissement de la population a bon dos: il joue certainement un rôle, mais si les coûts explosent, c’est parce que les médecins ne savent pas compter. Ils n’ont qu’une vague idée du prix des examens ou des médicaments qu’ils prescrivent, car leur formation ne comporte aucun enseignement financier.

Et cela pour une bonne raison: les cadres académiques ne se préoccupent pas ou très exceptionnellement de l’efficience des pratiques médicales qu’ils enseignent. Un professeur du CHUV m’a clairement déclaré il y a quelques années: «Il y a longtemps que j’ai cessé de me préoccuper des coûts de la santé!»

«Qu’on cesse, dans le monde médical universitaire, de mépriser toute dimension économique.»

Un professeur genevois recommandait récemment, dans un colloque de formation, qu’il serait bon, pour prévenir les accidents cardiaques, de procéder à un CT scan du cœur chez tous les patients dès l’âge de 50 ans. Combien d’accidents réellement évités, et à quel prix? Combien de cancers induits par ces rayonnements? En d’autres termes, quelle est l’efficience de sa proposition? Pour lui, la question n’est pas là, car ce n’est pas ainsi qu’un professeur raisonne.

On sait aussi que tous les nouveaux médicaments admis par la FDA aux États-Unis sont ensuite mis sur le marché suisse avec la bénédiction de la Commission fédérale des médicaments, sans vérification de leur bénéfice réel pour le patient. Et par la suite, lorsqu’il est établi qu’un produit n’a aucune efficacité, il n’est jamais retiré du marché.

Dans le domaine de l’oncologie, où les nouveaux traitements dépassent souvent 100'000 francs, on ne se demande jamais si les quelques semaines éventuelles de vie que va gagner le patient sont d’une qualité suffisante pour qu’il en soit vraiment bénéficiaire. L’important est de tester de nouvelles substances, dans des relations par toujours très claires avec l’industrie pharmaceutique.

Un faire-part annonce un décès à l’âge de 87 ans, «à la suite d’une hospitalisation d’un mois au CHUV et de grandes souffrances»: est-il indécent de se demander combien ce séjour a coûté et quel bénéfice le malheureux en a retiré?

En Suisse, l’organisation Smarter medicine a bien pour objectif de dépister les mesures médicales qui ne sont pas réellement utiles, mais elle est loin de s’imposer dans le monde académique.

Viser l'efficience

Il est temps d’inclure des notions d’efficience dans la formation universitaire des médecins. Il est temps d’enseigner aux jeunes médecins le prix de chacune des «coches» qu’ils font dans une liste d’examens sanguins; le prix du «bon de radiologie» qu’ils remplissent; le prix du médicament qu’ils prescrivent.

Et plus important encore: qu’on cesse, dans le monde médical universitaire, de mépriser toute dimension économique, au prétexte trop facile que «la santé n’a pas de prix». La Faculté a une responsabilité sociale: développer une médecine efficiente, c’est-à-dire qui apporte à des prix raisonnables un bénéfice réel pour les patients.




 

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