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Le rôle du monde académique et des médias dans la hausse des coûts de la santé

Paru dans AGEFI le 19 sept. 2023

Le rôle du monde académique et des médias dans la hausse des coûts de la santé

On ne questionne jamais le rôle de la communauté médicale universitaire et des médias face à la hausse des coûts de la santé, ils y participent pourtant quel que soit le système d’assurance.

On considère généralement que la hausse des coûts de la santé est la conséquence du vieillissement de la population, de l’abondance de l’offre et du progrès médical. Mais on ne questionne jamais le rôle de la Faculté (terme utilisé couramment pour désigner la communauté médicale universitaire) dans ce «progrès», ni celui des médias.

La Faculté ne se soucie pas des coûts de la santé

J’ai fréquenté pendant plus de quarante ans le monde des congrès et des colloques médicaux. Tout ce qui y est présenté vise toujours à proposer plus d’examens et plus de prises en charge, qu’il s’agisse de médicaments, de chirurgie ou thérapies diverses (psy, physio, etc.). Certes, dit-on, pour le bien des patients, mais sans jamais – ou presque jamais – se soucier de l’efficience de la technique proposée, c’est-à-dire du rapport entre le bénéfice pour le patient et le coût occasionné.

A la décharge des auteurs académiques, il convient de relever deux éléments. Le premier est qu’une publication, pour être crédible, doit présenter un nombre élevé de cas: il est donc utile de recourir à tous les moyens permettant d’augmenter le nombre de sujets étudiés. Par ailleurs, celui qui en viendrait à conclure qu’une prise en charge est inefficiente et doit être abandonnée devient immédiatement la cible de tous les collègues qui tentent de démontrer le contraire. J’ai même entendu un éminent professeur du Chuv m’avouer ouvertement: «Il y a longtemps que je ne me préoccupe plus des coûts de la santé.»

Globalement, la Faculté contribue tous les jours à une augmentation des coûts de la santé, et il est temps qu’elle soit interpellée sur l’efficience des progrès qu’elle publie et contribue à implanter dans les soins donnés à la population. Et quand, très exceptionnellement, la question de l’efficience lui est posée, elle répond, avec une certaine lâcheté que cela, c’est «aux politiques» d’en décider. Sans préciser qu’il n’est pas question d’autoriser les politiciens à contester leur avis d’expert…

Les médias en pâmoison devant la Faculté

Très souvent, les médias font appel, au titre d’experts, à des cadres universitaires. Je ne peux pas lire tous les médias ni écouter ou regarder toutes les émissions télévisées qui parlent de médecine. Ce que je constate, notamment sur les ondes de la SSR, c’est que ces «experts» se comportent dans les médias exactement comme dans leurs colloques universitaires. Quasiment toutes leurs interventions concluent à la nécessité de faire plus de dépistages, plus d’examens et plus de «prises en charge». Et toujours sur la base, disent-ils, «d’études qui démontrent…» Mais les journalistes ne se permettent jamais la moindre mise en question des propos de l’expert sollicité. A titre de comparaison, lorsqu’un politicien est interrogé, le journaliste se sent le devoir (professionnel) de le contester et d’émettre des objections. En matière de santé, jamais. Parole de la Faculté est parole d’Evangile. Quelle conséquence sur les coûts de la santé? La réponse est évidente. L’auditeur ou le lecteur se sent personnellement concerné, il s’empresse de consulter son médecin et de tenter d’obtenir de lui l’examen ou le traitement dont l’expert a parlé.

Les médias portent leur part de responsabilité dans la hausse des coûts de la santé. Ils doivent en prendre conscience et réagir. Alerter l’opinion publique sur la hausse des primes d’assurance et, si possible, accuser le système et les assureurs est facile. Mais questionner les experts issus de la Faculté sur l’efficience de leurs propositions et les coûts induits exige plus de courage: c’est pourtant ce qu’on devrait attendre d’eux.

Aussi longtemps que la Faculté ne reconnaîtra pas son rôle dans l’augmentation des coûts de la santé, aussi longtemps que nos médias refuseront toute critique à son endroit, les coûts de la santé continueront à augmenter, quel que soit le système d’assurance.

L’exemple de l’implant cochléaire

L’implant cochléaire – qu’on pourrait appeler l’oreille artificielle – constitue un fantastique développement médico-technique. Grâce à lui, un sourd profond peut entendre (presque) normalement et même téléphoner! Mais l’affaire dérape lorsqu’il s’agit d’implanter un enfant qui n’est sourd que d’une oreille. Pratiquement, un enfant qui n’entend que d’une oreille depuis sa naissance a une audition normale. Lui-même ne s’en rend pas compte et son entourage ne remarque rien. Mais les spécialistes de l’implantation, qui ont un intérêt direct à multiplier le nombre de patients à implanter, tentent de faire croire qu’il est nécessaire d’implanter l’oreille sourde. Conséquence: l’enfant – qui porte désormais une prothèse bien visible dans le crâne – devient un handicapé à vie aux yeux de ses proches et de ses camarades, il n’a plus le droit de se baigner normalement, etc. On vous dira que «toutes les études» démontrent le bénéfice d’une audition stéréophonique pour l’enfant. Sans relever que «toutes les études» sont faites par des centres qui cherchent à augmenter le nombre de leurs cas… Et si vous relevez que cela coûte très cher pour un bénéfice contestable (on peut estimer chaque cas à plus de 200.000 francs si l’on prend en compte la chirurgie, l’implant lui-même et son remplacement, la prise en charge psycho-auditive, les contrôles, etc.), les spécialistes vous répondent qu’il s’agit d’un choix politique, démontrant ainsi que la question des coûts n’est pas leur affaire.




 

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