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  OPINION

Cessons de confondre «tests positifs» et «infections»

Paru dans Le Temps le 25 mars 2021

Cessons de confondre «tests positifs» et «infections»

Depuis de nombreux mois, plusieurs experts savent que les fameux tests PCR sont trop sensibles

«Le nombre d'infections augmente», déclare Alain Berset pour justifier le maintien des restrictions. En réalité, il ne s'agit pas des «infections», mais des tests positifs, ce qui n'est pas du tout la même chose. On doit d'abord critiquer la notion d'«infection asymptomatique»: en tout cas dans la sphère ORL, la première touchée par le Covid-19, il n'y a pas d'infection sans symptômes, qu'il s'agisse d'une forme de rhume, ou de fièvre, ou de toux, ou de perte d'odorat. «Dans 80% des cas, les patients «testés positifs» ne sont ni malades, ni contagieux», déclarait Antoine Flahault sur les ondes de la RTS, il y a quelques mois.

Comment l'expliquer? Par la technique des tests utilisés. Pour détecter la présence d'un virus, le test PCR passe par une technique d'amplification. Lorsque le test devient positif après 20 cycles d'amplification, on est en présence d'une forte charge virale. Jusqu'à 30 cycles environ, on doit considérer que le patient est à la fois infecté et contagieux. Mais tous les laboratoires poursuivent l'amplification jusqu'à 40, voire 50 cycles d'amplification, ce qui permet de détecter des quantités infimes d'ARN viral, sans portée infectieuse ni contagieuse. Le résultat est certes «positif», mais les laboratoires qui font bien leur travail, comme aux HUG paraît-il, accompagnent les résultats des tests par un commentaire signalant une charge virale faible à considérer comme non infectieuse.

Ce sont pourtant des résultats que l'OFSP comptabilise comme positifs, et il aggrave encore son erreur de communication en parlant d'«infections», terme à son tour repris par les médias, même les plus sérieux (LT du 20.03.21). Il est donc important de comprendre que le nombre de tests positifs ne peut pas et ne doit pas être confondu avec le nombre de patients infectés. Il est d'ailleurs possible que des patients même guéris ou vaccinés apparaissent comme «positifs» dans cette comptabilité. On objectera que certains «faux positifs» pour les médecins («faiblement positifs» pour les épidémiologistes) ne sont qu'au stade initial de leur maladie et que leur charge virale augmentera peut-être dans les jours suivants: soit, mais alors répétons le test deux ou trois jours plus tard, avant de le compter comme «positif». Reste la question de la contagiosité. Un patient porteur d'une charge virale trop faible pour être lui-même infecté peut-il être contagieux? Oui, il existe des «porteurs sains», mais probablement pas parmi ceux dont la charge virale au test PCR figure parmi les «faux positifs».

Depuis de nombreux mois, plusieurs experts savent que les fameux tests PCR sont trop sensibles. Mais les PCR sont validés par les producteurs des tests et autorisés par Swissmedic, ce qui ne permet pas aux laboratoires de modifier les seuils fixés. En d'autres termes, ce sont des laboratoires privés qui ont défini les critères de validation de leurs tests et, un an après, personne ne leur en a imposé la révision! N'y aurait-il pas là un travail de salubrité publique pour Swissmedic et l'OFSP? Il est donc permis d'affirmer que la Task force et le Conseil fédéral dirigent leur politique sanitaire en s'appuyant sur des chiffres faux: appuyer sa politique sur «le nombre de nouvelles infections» sans distinguer les «tests positifs» des vrais malades infectés est une source de confusion. Quant au fameux Re (taux de reproduction effectif), il ne vaut guère mieux, puisque ce chiffre se base lui aussi sur le nombre de tests positifs, et non sur le nombre d'infections. Cela explique d'ailleurs que, depuis le début de l'année, ce Re ait presque toujours été faux.

Le vrai critère qui devrait guider les décisions politiques, c'est le nombre de patients hospitalisés, qui constitue un reflet du nombre de véritables «infections». Or ce nombre régresse régulièrement, en Suisse, depuis le début de décembre 2020, et cela en dépit de l'arrivée de variants, lesquels ont été détectés dans près de 90% des nouveaux cas. On rappellera que, au début de l'épidémie, les restrictions imposées à la population visaient à protéger les hôpitaux d'une surcharge: on en est très loin, et la situation ne s'aggrave pas.

La population, sans connaître les détails de la technique PCR et du calcul du Re, percoit bien que la situation sanitaire réelle ne correspond pas aux critères sur lesquels s'appuie le Conseil fédéral. C'est pourquoi elle proteste et manifeste. Il est donc urgent que lui-même et ses experts révisent leurs critères de décision. Pour commencer, qu'ils cessent de comptabiliser à tort les «tests positifs» comme des «infections».




 

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