Jacques-André Haury Jacques-André Haury - médecin et député
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  MÉDECINE

Tarmed interpelle la médecine d’Etat

Paru dans 24 Heures le 23 déc. 2003

Tarmed : c’est ce nouveau mode de tarification de l’activité médicale ambulatoire que le Nouvel-An vient d’apporter à tous les patients de notre pays. Georges-Marie Bécherraz en a fait dans ces colonnes une excellente présentation*. Si, dans toute la Suisse, le même acte va désormais être honoré par un même nombre de points, la valeur du point, elle, va varier. Les différences d’un canton à l’autre, pour des motifs « historiques » laissent M. Bécherraz plus que dubitatif.

Mais une autre disparité mérite d’être relevée: la valeur du point tarifaire sera différente selon que le traitement est effectué par un médecin dans son cabinet privé ou par la consultation ambulatoire d’un hôpital public. Au nom d’un principe de « neutralité des coûts » : les divers partenaires ont admis que l’introduction de Tarmed ne devait pas modifier le coût global des soins médicaux facturés aux assureurs.

La surprise vient ici du sens de la disparité : c’est chez les médecins installés en privé que le point sera le moins élevé. M. Bécherraz a choisi un exemple : un lavage de sinus sera facturé Fr. 39,26 dans un cabinet privé et Fr. 42,29 dans le service ambulatoire d’un hôpital, par exemple une policlinique du CHUV.

En clair, si vous décidez de vous faire soigner par un spécialiste expérimenté de votre choix, le traitement sera moins payé que si vous êtes pris en main par un assistant en formation que vous n’avez pas choisi. Voilà les conditions qu’ont acceptées les assureurs, habituellement si soucieux du bien de leurs assurés…

Bien sûr, pensez-vous, les hôpitaux, c’est plus cher, et c’est normal. Détrompez-vous. Dans le calcul du tarif Tarmed - et c’est sa grande qualité - on a pris en compte l’amortissement des investissements. En clair, le prix du lavage de sinus est calculé de manière à payer le salaire du médecin et de son personnel, mais aussi les appareils utilisés pour ce traitement et l’usage des locaux. La différence, c’est que les investissements, dans les hôpitaux publics, sont payés, à coup de millions, par l’Etat, c’est-à-dire par le contribuable. Alors que le médecin, en privé, n’a pas d’autre revenu que les honoraires payés par le patient et remboursés par son assurance. Logiquement, les soins ambulatoires facturés par les hôpitaux devraient donc être beaucoup plus bas. Où va la différence ?

Et nous continuons. Les salaires du mĂ©decin et de son personnel. Tarmed a Ă©tĂ© Ă©tabli dans l’idĂ©e qu’un mĂ©decin qui travaille Ă  plein temps obtienne un salaire annuel moyen de Fr. 200'000.-,  tenant compte de l’obligation qu’il a de financer entièrement sa prĂ©voyance professionnelle. Est-ce trop Ă©levĂ©, est-ce trop bas ? C’est une autre question. Toujours est-il que l’assistant qui vous prodigue ses soins ambulatoires dans un hĂ´pital gagne la moitiĂ© moins. Pourquoi alors payer ses soins plus chers ? OĂą va la diffĂ©rence ?

Salaires plus bas, investissements financés par le contribuable : même sans aucune malveillance, on ne comprend décidément pas pourquoi le prix devrait, dans le service ambulatoire d’un hôpital public, être plus élevé que dans un cabinet privé. Sinon à conclure que lorsque l’Etat se charge d’une activité, il génère, par son organisation et ses redondances administratives, des surcoûts qui n’apportent aucun avantage au bénéficiaire de la prestation.

Il ne semble pas que ces réflexions embarrassent beaucoup les responsables de la Santé publique vaudoise. C’est bien sûr les cabinets privés qu’ils envisagent de limiter pour « réglementer l’offre ambulatoire », c’est-à-dire les lieux d’une médecine plus économique. Comme ils ont choisi de fermer le service de chirurgie de l’Hôpital de Lavaux, le lieu de la chirurgie la plus économique du canton.

Le Tarmed a été établi dans une volonté de transparence. Ce que révèle cette transparence, c’est que la médecine privée est moins coûteuse que la médecine d’Etat. Dans leur volonté de contenir les coûts de la santé, nos dirigeants politiques, nous n’en doutons pas, sauront infléchir leur action à la lumière de cette comparaison.




 

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