Jacques-André Haury Jacques-André Haury - médecin et député
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  OPINIONS

Le RBI: un projet nocif et destructeur

Paru dans Le Temps le 25 mai 2016

Le RBI est une idée dangereuse, et les idéologues ou experts autoproclamés qui s’autorisent à le défendre sont des individus nuisibles à notre société, estime l’ancien député vaudois Jacques-André Haury

Le Revenu de Base Inconditionnel (RBI) n’est pas «une belle idée irréaliste» ou une «sympathique utopie», comme le prétendent de nombreux commentateurs. Il s’agit d’un projet populiste, destructeur de lien social, et il mérite notre ferme condamnation.

Rien que des droits, aucun devoir

Depuis cinquante ans, les penseurs de gauche ne parlent que de droits. Les «droits à» servent de litanie à toutes les revendications sociales. Le RBI n’en est qu’un élément de plus: «Une somme d’argent suffisante pour vivre donnée à chaque personne, chaque mois, sans conditions ni contrepartie», lit-on sur le site rbi-oui.ch. «Sans contrepartie», cela signifie effectivement que chaque individu obtiendrait un droit de recevoir de la société de quoi vivre sans aucun devoir à l’égard de la société. Nous affirmons que ce type d’idée est destructeur du lien social et profondément nocif.

La solidarité entre les humains qui cimente une société est précisément construite sur l’échange. Tes droits sont mes devoirs, et réciproquement! Dans nos écoles, les enseignants se cassent la tête contre des élèves (et leurs parents!) qui prétendent n’avoir que des droits et aucun devoir. Pour contrecarrer cette dérive, les autorités vaudoises ont introduit dans la nouvelle loi scolaire LEO, en 2011, un chapitre X intitulé: «Devoirs et droits des élèves et des parents», rappelant par là que l’institution scolaire ne peut fonctionner que si tous les partenaires ont conscience à la fois de leurs droits et de leurs devoirs. Et rompant ainsi délibérément avec les mentalités héritées de Mai 1968.

Il est destructeur pour le lien social de faire croire à des jeunes parvenus au seuil de leur vie adulte qu’ils peuvent entrer dans la société avec le droit de recevoir d’elle ce qu’il faut pour vivre (on parle de CHF 2500.- par mois et par personne) sans n’avoir à fournir, en échange, aucune contrepartie. En dissimulant le fait que, derrière chaque personne qui reçoit, il y a quelqu’un qui donne. Et oubliant ce ciment du lien social qui veut que chacun soit amené à donner s’il veut prétendre recevoir.

La promotion de l’individualisme égoïste

Notre société occidentale souffre de l’individualisme, et tous s’en plaignent. Comme la notion de morale semble devoir être bannie de tout discours, on parle d’individualisme: on devrait l’appeler par son nom: l’égoïsme. Regardez les arguments des promoteurs du RBI: «Avoir du temps pour soi, s’adonner à des activités de son choix, faire librement le choix de son métier, etc.» Sous une autre forme, il s’agirait de recevoir assez d’argent pour pouvoir se consacrer à des activités «bénévoles»: en quelque sorte, réclamer d’abord un salaire, pour décider ensuite sans contrainte à quoi on va passer son temps. Une autre forme d’égoïsme. «Moi, j’ai le droit de faire ce qui me plaît, et toi, tu n’as qu’à payer.» Et tout cela est enrobé d’arguments-alibi: raréfaction des places de travail, soin aux enfants ou aux parents âgés, etc. Pour cacher le profond égoïsme que ce projet s’autorise à flatter.

Il ne faut pas jouer avec la cohésion sociale. La prospérité des sociétés issues de la Réformation repose, dans une large mesure, sur l’éthique protestante du travail. Dans cette tradition, chacun est appelé à contribuer, à la mesure de ses forces, à la vie de la communauté, et cet ainsi qu’il célèbre son Dieu. Cette éthique est fondée précisément sur les devoirs de l’individu à l’endroit de la société, et non sur des droits égoïstes. Avons-nous une seule raison de penser qu’une société fondée sur un principe opposé pourrait fonctionner mieux? Avons-nous un seul exemple de société prospère – et prospère aussi pour les plus faibles – qui reposerait sur des droits individuels «sans contrepartie»?

Point de complaisance pour le populisme de gauche

Le projet d’un revenu de base inconditionnel est un pur projet populiste, c’est-à-dire qu’il flatte les instincts les plus vils de l’individu: vivre sans faire d’effort. Que cette idée rencontre une certaine sympathie dans le peuple n’a rien d’étonnant: cela ne fait qu’en confirmer le caractère populiste.

Quand il s’agit de populisme de droite, de sentiments xénophobes ou racistes, l’opinion publique s’empresse de le dénoncer, au nom de valeurs humanistes. Au nom de valeurs comme la solidarité et le «vivre ensemble». On se désole que des idées de ce type puissent trouver dans le peuple des voix pour les soutenir.

Le populisme de gauche ne vaut pas mieux. Flatter le peuple en lui faisant miroiter des droits «sans contrepartie» est tout aussi nocif et destructeur que le populisme de droite. Il est temps de le dénoncer au nom de valeurs humanistes. Et d’affirmer clairement que le RBI relève d’une idéologie détestable et nocive. Nous le disons sans concession: le RBI est une idée dangereuse, et les idéologues ou experts autoproclamés qui s’autorisent à le défendre sont des individus nuisibles à notre société.

Jacques-André Haury, ancien député, médecin




 

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