INTERVIEW
«Le projet d'école romande est dominé par une pédagogie inefficace et coûteuse»
Paru dans Le Temps le 30 sept. 2004
Questions à Jacques-André Haury, député libéral qui, après avoir obtenu le retour des notes à l'école vaudoise, organise la bataille contre le plan d'études romand.
Les associations de parents et d'enseignants opposés aux réformes de l'école publique se lancent dans une nouvelle bataille, contre le Pecaro, le plan d'études cadre romand (LT du 23.08.2004). Sans contester la nécessité d'une harmonisation, ces opposants se sont réunis mercredi à Morges pour dénoncer un projet imbibé de «pédagogie à la mode, à l'exclusion de toute autre approche. «Si ce projet devait nous être proposé tel quel sous forme de concordat romand, nous lancerions un référendum», promet pour sa part le Vaudois Jacques-André Haury.
Le Temps: Cette bataille contre le Pecaro, c'est surtout l'occasion rêvée de créer un front romand des conservateurs de l'école? Jacques-André Haury: Le terme de conservateur ne convient pas, c'est réaliste qu'il faut dire. Le projet contre lequel nous luttons est inspiré par la volonté d'imposer l'idéologie selon laquelle tout ce qui s'est fait par le passé mérite a priori d'être remplacé. Or cette idéologie prend l'eau de toutes parts. Il est utile que les milieux qui expriment une critique fondamentale se réunissent. Les autorités ont d'ailleurs besoins d'avoir un interlocuteur. L'opposition se manifeste partout, pas seulement sur Vaud ou Genève. Jura est le seul canton dans lequel nous n'ayons pas de relais.
Mieux vaudrait pas d'harmonisation du tout qu'une harmonisation basée sur ce Pecaro? Oui, clairement. Puisque ce plan prétend harmoniser ce qu'il ne faut justement pas harmoniser, à savoir les pratiques pédagogiques, alors qu'il laisse la définition des objectifs dans le flou. J'espère que ceux qui ont conçu ce projet sauront le reprendre en le redimensionnant, en le concentrant sur les disciplines traditionnelles et en précisant année par année et branche par branche les objectifs à atteindre.
Vous décriez la pédagogie «socio-constructiviste» dérivant des travaux de Jean Piaget. Mais à quelles autres modèles vous référez-vous? Le modèle cognitif ou frontal. Celui qui fait que vous vous souviendrez votre vie durant que «durch, für, gegen, ohne, um» sont des propositions suivies de l'accusatif. La pédagogie socio-constructiviste s'impose progressivement dans nos écoles sans avoir fait la preuve de son efficacité, bien au contraire. Les gens raisonnables admettent que plusieurs approches doivent être prises en compte dans la pédagogie et que le choix doit être laissé aux enseignants. Comme médecin, c'est moi qui décide s'il convient d'enlever les amygdales ou de les traiter aux antibiotiques.
Quelle place occupe dans votre réflexion le fait que les classes de la scolarité obligatoire sont devenues très hétérogènes socialement et culturellement? Justement, un enseignement normatif et rigoureux est la meilleure réponse à la diversité. On doit constater que les réformes pédagogiques introduites chez nous ont plus tendance à aggraver l'inégalité des chances qu'à aider les élèves en difficulté à s'en sortir.
Défendez-vous une pédagogie qui permette de revenir à des classes plus nombreuses? Ecoutez, oui. Ça tombe bien pour moi. Les méthodes socio-constructives ne font pas la preuve de leurs résultats et coûtent plus cher. Alors si on peut faire d'une pierre deux coups…
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